Comment appliquer la règle des 3 S dans son couple ? (PART 3/3)

3. LA SUPPORTER

La patience est un ciment permettant d'éprouver la relation à un niveau encore différent.

La patience est une notion, une vertu même, aujourd'hui moribonde tant les valeurs qui fondent théoriquement le couple se rapprochent des modes de consommation des masses.

Si je l'ai déjà dit, ne vaut-il pas la peine de le rappeler ? Là où nous vivons, ici et maintenant, l'opulence des biens et services favorisent la facilité et la rapidité de leur obtention et donc une certaine hyper-disponibilité de toute chose (on obtient sans avoir à vraiment demander ou attendre). Cette situation dessine des caractères humains de plus en plus axés sur l'impatience, l'ingratitude et l'insouciance; le ready-made engendre en plus d'une incapacité à faire soi-même, une certaine aversion pour l'effort. Notre absence d'effort à son tour, nous a éloigné du sens de ce qui est important, de ce qui compte vraiment, et de ce pour quoi il vaut la peine de s'investir.

J'irais plus loin encore. Nous ne nous investissons plus vraiment ou très mal dans nos relations (ni même dans quoi que ce soit) pour la simple et bonne raison que la société, la culture, le monde moderne, Beyoncé ou que sais-je favorisent une hypertrophie de nos égos si bien que tout ce qui compte pour nous, humains, se trouve être concentré pour l'essentiel à un seul point, canalisé d'une manière ou d'une autre vers une seule et même direction : soi-même.

Je ne suis pas sûr qu'il faille imputer la responsabilité de nos situations affectives catastrophiques à notre seul mode de vie occidentalisé mais les paradigmes développés par le capitalisme dominant (qui affectent l'homme dans la multiplicité de ses dimensions matérielles et immatérielles) ont tout de même radicalement influencé notre rapport au monde ainsi que notre manière de vivre l'amour, d'un point de vue intérieur (mental, spirituel et émotionnel) comme extérieur (physique, physiologique et matériel).

En résumé, et pour le dire d'une façon moins chiante à lire : aujourd'hui, on s'aime surtout soi-même. Et même quand on aime l'autre, ce n'est pas de la bonne façon. Et même quand on prétend ou croit se détester soi-même, cette détestation est en réalité, une forme d'amour de soi (négative ! of course) qui nous empêche d'aimer vraiment l'autre.

Chaque fois que l'on croise deux personnes qui ont su vieillir ensemble, l'on trouve invariablement cette dimension de l'acceptation de l'autre qui naît de la patience. C'est bien plus que de la tolérance ou de la résignation, c'est l'amour dans son expression la plus noble, que l'on pourrait résumer ainsi : Je suis là, parce que je t'aime.

L'amour est fait de beaucoup d'ingrédients mais quand on assume de construire en pleine conscience avec quelqu'un, il n'y a plus d'obstacle possible. Qu'est-ce que j'appelle la pleine conscience ?

Commençons par évacuer immédiatement certaines bêtises et graves erreurs que l'on croit faire par amour; parce que l'amour n'est pas une poubelle, un fourre-tout, un tapis ou un placard dans lesquels on mettrait tout et n'importe quoi.

On ne reste pas avec une personne qui nous détruit à petit feu. On ne s'accroche à quelqu'un par défaut ou manque de quelque chose. Rester quand on a de meilleures options, est une erreur. À ce titre, il vaut la peine de revenir sur la première partie de notre réflexion ("La soutenir") pour se rappeler ce que ne devrait jamais être l'amour.

La pleine conscience est un niveau de maturité vers lequel il nous faudrait tous aller avant de prétendre aimer qui que ce soit. Se connaître soi-même suffisamment devrait en effet être un préalable à toute union, parce qu'on ne peut aimer vraiment personne tant qu'on ne s'aime pas soi-même. Mais on ne saurait s'aimer, sans se connaître.

Tout cela ressemble à des lieux communs de philosophie banale ou de coaching de salon, j'en conviens, mais c'est aussi simple que cela. Il n'y a pas besoin d'aller chercher plus loin. Il faut commencer par s'intéresser à soi pour pouvoir s'accomplir et se libérer. Se libérer de quoi ? De soi-même.

S'aimer soi-même n'est que le commencement du chemin vers le vrai contact avec les autres. Se nourrir, se comprendre, se donner du temps, se rendre justice, et tellement d'autres choses sont des actes qu'il est impossible de faire pour les autres en les négligeant pour soi-même parce que ces choses-là sont les composantes de l'amour véritable. Mais la grande erreur de la plupart des gens est de s'arrêter au début du chemin. Une fois qu'on sait ce qui nous convient, ce qui nous satisfait, on s'arrête là et on cherche quelqu'un qui va assurer le boulot de temps en temps. Quand on l'a trouvé, on appelle cela de l'amour.

La plupart des hommes font ça. Ils cherchent une femme qui les satisfera (dans tous les sens du terme). Je n'ai pas encore vécu très longtemps sur cette petite planète, mais je n'ai jamais rencontré un homme qui m'ait dit "Je cherche une femme pour la servir." Ou "Je tiens à me marier pour servir mon épouse." Jamais.

Pas même auprès de frangins qui croient avoir développé en eux-mêmes la quintessence des "valeurs ancestrales africaines"... Ceux-là sont d'ailleurs souvent les pires machos rétrogrades.

Il faut se connaître soi-même et connaître sa propre valeur pour réussir à prendre quelqu'un dans sa vie POUR le servir. La plupart des frères comme le dit assez bien (à sa manière hein...) TK Kirkland semblent ne vouloir entrer dans la vie des soeurs QUE pour entrer en elles, et ensuite... détruire leurs vies.

Et c'est cela qu'il faut changer.

Nous devons cesser d'être des boulets pour redevenir des pierres angulaires. Avec la même solidité (fiabilité), la même discrétion (humilité) et la même importance (engagement) que la pierre angulaire d'un édifice. Il nous faut redevenir des "Ride Or Die" pour nos soeurs. J'aime beaucoup cette expression américaine pour décrire l'amour inconditionnel que l'on peut avoir pour quelqu'un. Beaucoup de gens l'utilisent d'ailleurs mais combien l'ont expérimenté ?

Je crois que si on doit se marier ou s'unir à quelqu'un de manière sérieuse et solennelle avec les larmes, les mouchoirs, les frissons, le changement de statut sur FB (si vous êtes comme ça), cela ne devrait être qu'avec son ou sa RIDE OR DIE.

Quand on aime en pleine conscience, il se passe une chose assez rare : on donne sans rien attendre. On donne et agit parce que c'est nécessaire et parce que c'est ce qu'il convient de faire à un instant T. Les gens vivent généralement leur relation d'une manière assez tragique et les hommes plus encore. La plupart d'entre eux feront pour leurs meilleurs potes ce qu'ils ne feront jamais pour leur partenaire.

Je ne juge pas. Mais il me semble que si l'on abordait autrement notre façon d'aimer, beaucoup de choses changeraient vers le mieux.

Nous devrions entretenir avec nos partenaires une vraie relation d'amitié. Je crois pouvoir dire que les amours les plus forts sont nés d'une amitié toute aussi forte. Quand on est amis, la relation est plus profonde, plus enracinée sur des bases souvent plus saines. Peut-être parce que nous sommes naturellement capables d'accepter nos amis tels qu'ils sont sans chercher à les changer ou à les façonner selon nos désirs.

Dans une relation d'amitié, on s'est débarrassé en amont des pollutions que sont le jugement, l'exigence, le chantage, la peur, l'ingratitude, la rancune, la mesquinerie, etc.

Ainsi lorsque votre partenaire va commettre une erreur que vous jugeriez normalement impardonnable, une merdouille de catégorie 5 qui vous pousserait à vous demandez si vous ne feriez pas aussi bien de trouver une machine à remonter le temps parce que là, le dossier semble trop lourd voire irrécupérable – et qu'en plus, vous savez pertinemment que vous l'aimez toujours malgré cela, eh bien il me semble important de prendre la meilleure décision. Il ne faut pas perdre trop de temps à chercher des raisons, des explications, des justifications. Il faut juste vivre le truc selon son coeur, pas selon sa tête.

ON PARDONNE ! On doit pardonner. Le vrai don ne s'exprime que par le pardon. Vous n'aimez pas vraiment une personne si vous êtes incapable de lui pardonner et vous ne vous aimez probablement pas assez non plus, car on pardonne aussi pour soi. On pardonne pour se libérer et libérer l'autre du joug de la rancune.

On classe le dossier – comme on l'a toujours fait pour ses meilleurs amis – et comme à plus forte raison on a décidé de le faire pour la femme de sa vie.

Parfois, on aime au-delà de soi. Quelque fois en dépit de soi. Voire même malgré soi. Il arrive qu'aimer une personne soit la pire chose qui puisse nous arriver. Quand ce n'est pas réciproque par exemple mais aussi si cette personne relègue Jack l'Éventreur, Adolf Hitler ou Dark Vador au rang de personnes fréquentables. Cela arrive.

Même dans de pareils cas, il faut pouvoir puiser et comprendre la quintessence de vérité qui se cache dans vos sentiments au-delà de la douleur, de l'incompréhension ou de la désapprobation. La raison pour laquelle on aime, au final, importe peu si cet amour nous transcende.

Supporter ce n'est pas juste accepter ce qu'on n'aime pas, par amour. Supporter, c'est sortir de soi et partir à la recherche du vrai et unique objectif de toute relation, le don. Comme le dit, si bien cette vieille chanson du génial Elton john avec France Gall :

Donner pour donner, tout donner
C'est la seule façon d'aimer

Cette forme de patience dont je parle n'est pas accessible à tant de monde que cela, elle relève d'une forme de grâce. Cette patience-là compose l'Amour Véritable. Un amour comme ne peut en exprimer qu'une personne qui nous a porté 9 mois, en général. Cependant, certains penseront que je débloque mais si vous n'aimez pas votre partenaire d'un amour inconditionnel... De quel genre d'amour s'agit-il ? Si vous n'aimez pas celle qui vous accompagne plus que vous-mêmes, est-ce digne d'être appelé AMOUR ?

Si tu es capable de détester des choses en elle, que recouvre alors cet amour partiel, contractuel que vous partagez ? Si tu n'as pas su déceler la part de Lumière, de Vérité... Le morceau d'Absolu en elle, certes, tu ne pourras t'effacer tout en étant là pour elle. Il faut être fort pour vraiment aimer. Il faut avoir beaucoup d'amour en soi pour en beaucoup donner. Le véritable Amour n'affaiblit personne.

Aimer quelqu'un qui ne vous apporte rien, comme aimer une personne dans le coma depuis des années ou aimer quelqu'un souffrant d'une pathologie sérieuse, de celles qui nous affaiblissent ou nous blessent – peut nous renforcer, nous élever, nous transcender.

L'amour ce n'est plus ce que c'était, chers amis. Quand je vois le nombre de personnes dormant dans les rues – dont un nombre assez traumatisant de femmes – je ne peux m'empêcher de me dire que le problème des dits SDF n'est, à mon sens, pas le domicile mais le FOYER. Ces pauvres gens ne sont pas arrivés sur terre en étant seuls pas plus qu'ils n'ont atterris dans nos rues, seuls. On les y a aidé.

"On" est cette part de nous-même, l'émanation institutionnelle froide, aveugle, insensible et parfois cruelle qu'il sera bien plus facile d'appeler le système (ou la société). Le vrai problème du domicile, c'est quand personne ne t'aime assez pour vous accueillir, toi, ta vie et tes nombreux problèmes chez lui.

Le déficit de notre société est bien plus profond et grave que l'économie. Mais comment calcule-t-on le déficit des coeurs ?

Je dis et affirme qu'on ne saurait vraiment aimer sans s'oublier soi-même un peu.

C'est cette dimension de l'ENGAGEMENT que nos mères ont su donner au mariage. Et je crois que c'est à notre tour, les hommes, d'essayer maintenant.

Il nous incombe aujourd'hui de revêtir une dimension nouvelle – ou que peut-être nous avons simplement oublié – de la masculinité qui au contraire de nous avilir, peut nous élever et nous anoblir à l'heure précisément où beaucoup trop d'entre nous se perdent dans les abyssales abjections que leur permettent leur pouvoir ou leur silence complice.

(Lire les deux premières parties de l'article, ici et là.)

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