Qui est Franck Wills ?
Submitted by Jersild Insa Ndangi on Thu, 01/12/2017 - 17:43
On dit que la nature a horreur du vide. S'agissant de la nature humaine, elle apprécie variablement le silence, mais elle peut parfois s'en accommoder même quand la justice en est le prix.
Dans une société éprise de justice, il faut pouvoir parler d'un problème sans que le faire, en soit un.
Les descendants d'africains quelque soit leur situation économique et sociale ont, à différents moments de l'histoire, vu leur capacité à s'exprimer être prise en otage, récupérer ou tout simplement empêcher. À ce titre, leur maturité politique en tant que groupe passe nécessairement par une recherche d'émancipation mentale et sociale, laquelle comprend pour la communauté comme pour ses individus, l'enjeu de la prise de parole.
Celui qui est maître de sa parole devrait être libre de la porter ou pas sans en subir la portée.
Le récit sur cette partie de la vie de Franck Wills doit pouvoir nous aider à méditer sur la relation entre travail (situation sociale réelle) et identité (situation sociale figurée) d'une part, justice politique et justice sociale d'autre part.
Dans cet exemple, la dissuasion implicite et explicite est une norme, une réalité pour tout afro-descendant dans le contexte décrit. Le noir ne doit pas parler. Il doit se faire petit, discret comme pour confirmer son inexistence sociale, son invisibilité.
Washington DC, États-Unis. 1972.
Dans la nuit du 17 au 18 juin, un jeune agent de sécurité repère cinq "cambrioleurs" lors de sa ronde dans l'immeuble du Watergate. La police est appelée et intervient rapidement. Les intrus sont arrêtés dans l'immeuble même, au siège du Parti démocrate.
Les cambrioleurs n'étaient pas exactement des voleurs comme les autres...
Cet évènement provoquera un immense raz de marée judiciaire et politique connu sous le nom du scandale du Watergate, qui mènera notamment à la démission (la seule de l'histoire), le 9 août 1974 du Président des États-Unis en place, Richard Nixon.
La plupart des gens se souviennent vaguement des méandres de cette affaire au retentissement international parce qu'elle marqua l'histoire des États-Unis. Les médias et la culture populaire n'ont d'ailleurs jamais cessé de l'évoquer.
Après l'affaire, une attention médiatique distraite fut périodiquement portée à la personne pleine d'humilité qu'était Franck Wills car l'agent de sécurité par qui était venu le scandale, c'était lui. Il avait fait son boulot.
Dans cette histoire, ce qui n'a certainement jamais été dénoncé est le fait qu'après avoir tout simplement fait son boulot, le jeune Franck Wills l'a perdu.
Il a ensuite survécu d'un emploi précaire à l'autre en devant supporter une sorte de désapprobation générale de ses contemporains. Après tout, il avait contribué à gâcher leur tranquille et naïve torpeur.
Il leur avait ouvert les yeux sur un aspect très laid de leur propre pays et du monde politique. La vérité a toujours blessé, hier comme aujourd'hui.
Avec cet évènement, le peuple américain a perdu un peu plus de son innocence. Franck Wills a quant à lui, substantiellement gâché sa vie.
Ironiquement, Wills n'a gardé aucune amertume ni regret quant à son acte banal d'héroïsme. Il avait juste fait son boulot.